Contexte : La photographie de paysage dans le jeu vidéo à travers une expédition dans No Man’s Sky dirigée par Gareth Damian Martin. Première partie

 

Qui ?

L’expédition à eu lieu le 05 Avril avec un groupe d’une 10ène de personnes. Vous pouvez si vous le souhaitez regarder cette vidéo à cette adresse : https://www.twitch.tv/videos/584213932.

J’ai découvert Gareth Damian Martin par le prisme de son webzine http://www.heterotopiaszine.com/ qui parle principalement des espaces et de l’architecture dans les jeux vidéo. Il est aussi le créateur du jeu indépendant (développé par lui-même du coup) In Other Waters. Cependant lors de cette expédition, c’est bien en tant que ‘game photographer’ (que je traduirai basiquement par photographe de jeux vidéo) qu’il est présent.

Comme il l’explique durant sa présentation, ce hobby a été la base de son travail au sein du webzine Heterotopias puisque l’architecture et les espaces dans le jeu vidéo y sont étudiés à travers la photographie virtuelle qui est utilisé comme un outil permettant la critique et l’analyse.

Quoi ?

Ce qui va être réalisé lors de cette expédition dans le jeu No Man’s Sky : rester concentrer sur la photographie de paysage dans le jeu vidéo et notamment la photographie de paysage dans le cadre de la génération procédurale.

L’expédition est réalisée à la première personne pour rester fidèle à la photographie de paysage plus traditionnelle selon Gareth.

 

L’expédition, la genèse

La méthodologie empruntée par Gareth comme il l’explique est claire et simple, le but est de se rapprocher au maximum de ce qu’on ferait dans la vraie vie pour aller prendre ces photos. Ainsi donc il commence par décider d’aller marcher afin d’explorer la planète sur laquelle il se trouve avec ses acolytes.

Bien qu’il soit possible d’utiliser des jetpacks et autres moyens de navigation spatiale plus rapide, l’ordre est de marcher.

Le processus de la photographie de paysage ainsi que le processus de marche qui y est associé est la manière dont Gareth a initialement découvert la photographie.

Comme il le précise, il a d’abord rencontré la photographie dans le monde réelle avant de la transposer dans le monde du jeu vidéo. Or comme il l’explique dans l’expédition, pour lui, cette étape de marche est toute aussi importante que le moment où on prend effectivement une photo.

Notre expéditeur en chef nous explique ensuite la particularité du jeu No Man’s Sky dans lequel à lieu cette expédition virtuelle : il s’agit d’un jeu où les environnements sont construit de manière procédurale, par processus informatique. Or, dans la très grande majorité des jeux, l’environnement est construit par des hommes brique par brique et il s’agit alors plus d’architecture que d’autre chose (ce sur quoi porte une grosse partie du travail d’Heterotopias) même si cela ressemble à du paysage. En effet, les espaces construits de manière classique ont suivi des méthodologies précises qui ne laissent pas grand-chose au hasard.

A l’inverse No Man’ Sky possède cette particularité d’avoir un paysage créé de manière automatique. Ça n’est pas parfaitement clair pour moi mais les planètes, l’environnement ne sont pas stockés sur disque mais sont symbolisé par des nombres qui lorsqu’on en a besoin sont appelé afin de recréer l’environnement à partir de calculs. Et cette particularité selon Gareth en fait un jeu dont l’architecture n’est peut-être pas la même que dans des jeux comme Death Stranding, Assassin’s Creed et autres jeux du type où ce sont des équipes de plusieurs centaines de personnes qui ont créé les environnements sur des période qui se comptent en années. La génération procédurale repose elle sur un système de règles et de différents systèmes qui définissent la création.

Une philosophie intéressante de Gareth est que pour lui cette méthode de génération est peut-être plus proche de ce qu’on peut trouver dans la nature car il estime que cette dernière s’est aussi développée à travers différents processus contrairement aux espaces construits comme dans les méthodes plus traditionnelles.

L’expédition, les débuts de l’aventure

La démarche est aussi particulière car notre aventurier en chef recommande d’abord de ne pas chercher à utiliser la fonction ‘mode photo’ qui permet d’utiliser une caméra libre et qui donne une liberté incroyable à la fois dans le placement mais aussi dans la composition. Non, au contraire, Gareth reprend la même vision qu’il a dans la vraie vie, et la photographie virtuelle de paysages consiste pour lui à rencontrer des images que l’on va enregistrer à travers un screenshot plutôt que dérouler d’un processus où l’on va essayer de réaliser la photo parfaite.

Il nous explique que c’est pour cela qu’il aime prendre des screenshots avec son PC tel qu’on ferait en appuyant sur la touche Share de sa PS4 sans avoir à utiliser un outil dédié à la photographie dans le jeu. Pour lui, le fait d’avoir une taille humaine dans le jeu, de devoir se positionner, s’accroupir et bouger la tête fait partie de ce qu’il va rechercher dans la photographie virtuelle de paysage. Le but n’est alors pas de ‘prendre une belle image’ mais de ‘trouver ou rencontrer une image’ à travers le positionnement de son corps et de sa tête.

Premier réglage

Avant d’attaquer la suite plus intensément, Gareth nous montre un changement qui peut nous aider à apprécier plus facilement nos photos de paysages. En fait il nous montre que de base, les jeux sont réglés avec un angle de vue extrêmement large car sinon il est presque impossible de jouer. Or on peut très facilement modifier cette option et régler un angle de 60 (ce qui correspond donc à ce que je comprends à un objectif 60 de millimètres) ce qui peut déjà changer grandement ce à quoi ressemblera notre photo et notre impression de cette dernière. En fait même un angle de 60 peut sembler être un angle assez restreint pour de la photographie de paysage mais le résultat final juste par cette modification peut tout de même sembler bien plus photographique.

C’est peut-être aussi pour cette raison que les personnes qui s’essaient à la photographie in-game vont naturellement vers la photographie de paysage. L’angle de vue réglé de base est prévu pour mieux faire ressortir ce type de screenshots.

Avec un objectif de 75 millimètres :

Avec un objectif de 60 millimètres :

Gareth nous explique qu’il évite d’utiliser des outils de retouches photographique après les screenshots car ce n’est pas dans sa philosophie. S’il commence à effectuer un travail post production, il estime qu’il va commencer à essayer d’améliorer sans cesse ses photos, ce qui n’est pas son optique. Plus précisément, Gareth nous explique qu’il lui arrive de réaliser des retouches d’un autre genre, en photographiant par exemple avec un vrai appareil (un vieil appareil possédant un objectif de 35 millimètres pour être précis) une photographie qu’il avait au préalablement réalisée dans un jeu. Mais dans cet exemple, c’est alors plus la transformation qui va l’intéresser que l’amélioration. D’autant plus que les erreurs sont des choses qui l’intéressent particulièrement. Les vieux appareils analogiques qu’il utilise ont des particularités et des défauts qui sont visibles sur les photos des images de jeux qu’il projette et c’est un mix qu’il recherche.

 

Premières photos et premières discussions.

Premier disparu : Jo

Alors que nous perdons tragiquement notre premier voyageur à travers le cosmos (son micro ne fonctionnant pas, il est impossible pour les explorateurs de discuter avec lui et il est considéré comme perdu). Malheureusement sa photo ne sera pas débattue et nous passerons directement à l’analyse de la deuxième photo d’un autre explorateur de No Man’s Sky. Nous déposerons ici et en souvenir de lui un screenshot de sa photo qui nous est tout de même parvenue.

 

Analyse de la photo de l’explorateur numéro deux :

Cette image semble reprendre des concepts classiques.

L’arbre sur la gauche est quelque peu ennuyeux mais sinon on retrouve ici des diagonales qui traversent la photographie avec le sol premièrement, puis une partie des nuages qui sont presque parallèles à ce sol et enfin une deuxième diagonale de l’autre côté.

On aperçoit aussi qu’un espace assez important est laissé devant les deux astronautes explorateurs pris sur la photo. Gareth appelle cela l’espace actif, et après mes recherches, c’est le terme officiel utilisé par nos amis anglophones. Cependant si cette notion est bien la même chez nous (laisser de l’espace devant un sujet en mouvement pour lui laisser la place d’y aller et naturellement nous donner cette impression de mouvement), je n’ai pas trouvé d’équivalent aux mots ‘active space’ et ‘dead space’ que je vois traduis par espace devant et espace derrière sur nos blogs français. On parle volontiers de laisser respirer les sujets sur les sites français mais j’ai l’impression que nous sommes moins enclins à utiliser un mot précis pour les deux espaces distincts que j’ai par conséquent traduit littéralement par espace actif et espace mort.

Analyse de la photo de l’explorateur numéro trois :

Une grosse partie de cette photographie est porté sur le ciel et Gareth précise d’ailleurs que parfois la photographie de paysage est une excuse pour pouvoir principalement photographier le ciel. Bien sûr on y ajoutera un autre élément de décor afin de donner du contexte à la composition mais c’est vraiment dans le but de pouvoir mettre en avant le ciel. Pour lui cette photographie appartient peut-être à cette catégorie, on y voit des nuages et un ciel particulièrement coloré qui ressort particulièrement bien. On y retrouve aussi une diagonale classique ainsi qu’une ligne verticale avec l’arbre sur la gauche et on y trouve un bon équilibre entre le vide et les principaux éléments.

Analyse de la photo de l’explorateur numéro quatre :

En parlant de trouver une excuse afin de pouvoir prendre une photo du ciel, celle-ci est encore plus représentative ! Notre quatrième explorateur a particulièrement apprécié les couleurs, le sentiment que lui procurait les oiseaux ainsi que les nuages striés qui créent des diagonales fortes. Cette photographie virtuelle est aussi intéressante car on y trouve une sorte de vignettage avec de la saturation sur les bords qui aurait pu être causé par un problème au développement si elle avait été réellement développée. Gareth voit aussi dans le reflet de lumière sur l’aile de l’oiseau un élément qui nous permet de matérialiser la profondeur de l’image.

Analyse de la photo de l’explorateur numéro cinq :

Contrairement aux premières photos virtuelles, celle-ci est peut-être celle qui transmet le plus l’importance du processus de marche dans la photographie de paysage. Cette cave est apparue à l’explorateur, il ne l’a pas cherchée, il a rencontré son image et en a fait une photo in-game afin de pouvoir partager ce moment. Gareth insiste sur l’impact de prendre des photographies à hauteur d’homme dans les jeux vidéo. En effet il explique que les développeurs travaillent extrêmement dur pour que l’on est l’impression d’avoir la vraie sensation d’être dans la peau d’un humain. Les développeurs travaillent beaucoup la vue à cette hauteur, et cela nous le ressentons très probablement sans même nous en apercevoir. Nous sommes par la suite capables de lire cette impression dans les images sans en être conscients.

L’effet est qu’une photo à hauteur d’homme peut tout de suite donner un sentiment plus réaliste qui nous permet de mieux mesurer et appréhender notre environnement.

 

Analyse de la photo de l’explorateur numéro six

 

Gareth y voit une photo classique de coucher de soleil. En fait si nous n’avions pas des éléments de science-fiction dans cette image, cela ferait une photographie très traditionnelle. Les éléments du décor flottant dans l’air semblent avoir été ajoutés pour casser ce côté traditionnel, ce qui semble beaucoup ressembler aux illustrations de type science-fiction des années 70. Cette photo possède aussi un côté très peinture romantique selon Gareth.

Les oiseaux sur la droite semblent même sortir tout droit d’un mauvais copier-coller, comme s’ils n’avaient rien à faire là.

Analyse de la photo de l’explorateur numéro sept : Le retour de Jo

Alors que nous déroulons tranquillement les analyses des photos, l’impossible se produit, notre explorateur perdu parvient à nous envoyer une deuxième photo. Bien que n’ayant toujours pas de contact audio avec lui, Gareth décide d’analyser sa photographie.

Il voit dans le nuage imposant en haut à droite un côté John Martin ou Caspar David Friedrich très prononcé. Gareth considère que ces deux artistes ont énormément influencés l’univers visuel de nombreux jeux vidéo (tel Destiny). Gareth voit en effet à travers cette photographie virtuelle, une composition à la Caspar David Friedrich tel qu’il l’a réalisé dans son œuvre « Wanderer above the Sea of Fog ». On y trouve un explorateur au premier plan qui regarde fixement le paysage sortir de la brume. Pour Gareth cela représente vraiment de la photographie de paysage classique et c’est très formaliste et par conséquent très généraliste pour lui. On suit dans ce cas des règles assez précises et il y a alors assez peu d’espace pour bouger.

Gareth décide de terminer la première partie sur cette image puis de passer à autre chose.

Nous ferons de même, la suite au prochain épisode.

Fin de la première partie

Si vous avez apprécié expérimenter la photographie de jeu dans No Man’ Sky, je vous invite à faire de même dans un autre univers intergalactique à vocation plus cinématographique appliquée à une Direction Artistique ayant créé le style NASA-Punk : https://mode-photo-jeux-video.fr/mode-photo-starfield/ .